L’Entité, chronique d’un best-seller en devenir

Par , Le 22 juin 2018 (Temps de lecture estimé : 8 min)

Je suis un mauvais lecteur : avec les années, l’accumulation de fatigue et l’ordinateur ne m’aidant pas, je lis plus lentement qu’une tortue marine effectue son cycle migratoire. Et pourtant, il y a quelques mois, il y a un livre que j’ai dévoré. Je vous en parle enfin.

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Ca fait un moment que j’y pense, que je me dis que je DOIS vous écrire cet article. Déjà, parce que ça fait maintenant un moment que je n’ai fait aucune critique de film ou de livre. Et une fois sur deux, c’est généralement pas pour me montrer très sympa. Mais ce livre, je le dis d’avance, est  très rapidement entré dans le top de ce que j’ai pu lire ces dernières années. Et en plus, j’ai reçu une consigne toute particulière quand on m’a proposé de lire ce livre : me montrer critique. Article garanti sans spoiler.

Bêta-lecteur

À l’origine, tout commence quand l’ami Fred Godfroy me propose d’être bêta lecteur de son nouveau livre en cours d’écriture et aujourd’hui publié : « L’entité : Nefilims – Croniques Contemporaines – Vol 1 ». C’était il y a un an tout rond déjà ! J’ai donc droit au manuscrit en avant-première, à lire sur écran, chose dont j’ai pourtant une sainte horreur dès qu’il s’agit d’un livre. Fred n’est pas quelqu’un qui prend des pincettes, et qui aime encore moins qu’on en prenne avec lui. C’est sans doute pour ça qu’on s’entend bien : pas de faux-semblants, les choses sont dites clairement, et ça donne lieu à des échanges très intéressants. C’est donc comme ça que j’ai fini dans l’équipe de bêta-lecteurs de celui qui en est plus à con coup d’essai, avec pour mission de lui dire sans détour ce que j’ai pensé de son ouvrage.

Synopsis et mise en bouche

Commençons par le début, le synopsis qui pose une question bien étrange : êtes-vous certains d’être vivant ?

C’est la question que se pose Stan, un cancre de 17 ans éjecté du système scolaire, handicapé et marchant avec une canne. Pourtant, pour tout le monde après un rocambolesque procès, il est l’Épervier, le symbole mondial de la révolution contre les banques, les gouvernements, les multinationales. Contre la suppression de la monnaie papier, la pauvreté et le totalitarisme déguisé en démocratie.
Et le mouvement autour de lui se développe, prend de l’ampleur, devient mondial. Et puis il y a les Nefilims : ont-ils réellement le pouvoir de changer la réalité en violant les rêves de tous les êtres humains ? Existent-ils vraiment et où se trouvent-ils ? Sont-ils vraiment plus anciens que notre monde ? Stan se retrouve embarqué de force dans une quête sans retour ou la réalité et la vérité sont toutes relatives : existons-nous vraiment ou sommes-nous le simple fruit du rêve d’un Nefilim ? Il ne peut plus échapper à son destin : il doit comprendre qui il est vraiment car il est la clef d’une prophétie vieille de 14.000 ans.
Parcourant tous les continents, il va devoir choisir qui seront ses amis et ses ennemis pour tout simplement survivre. Mais en qui peut-il encore avoir confiance… Il est seul. Définitivement seul.

Et là, d’entrée de jeu, on se demande où on met les pieds. L’histoire repose sur un principe : le concept de récurrence. Une sorte d’univers à mi-chemin entre le rêve d’une personne et la dimension parallèle à part entière. Le livre pose alors la question de savoir où nous nous trouvons, mais avant tout, où se déroule l’intrigue. Le tout sur un fond de lutte sociale, d’anticipation, de science-fiction, dans un monde qui pourrait tout à fait être le nôtre d’ici quelques années et de mysticisme.

Autant dire que le mélange des genres, d’ordinaire c’est comme les couleurs en peinture : mélangez-les toutes, vous obtenez un marron dégueulasse. Et pourtant…

Yoyo émotionnel et intellectuel

Ce qui est surprenant, dès le début, c’est la capacité de Fred à nous faire passer de situations banales, du quotidien, dont on perçoit pourtant toute l’émotion, parfois positive, parfois dramatique, à des choses totalement délirantes. Je repense à une scène en particulier au début du livre. J’ai même dû la la relire trois fois et vérifier à deux reprises que je n’avais pas loupé des pages. J’ai finalement éclaté de rire à la fin en lâchant un gros « mais what the fuck« . Et pourtant, le tout suivait une logique bien précise et n’était aucunement le fruit d’un quelconque opiacé.

De la même façon, le livre arrive à capter aussi notre attention cognitive : on veut savoir la suite. Mais pas pour savoir qui va mourir, ce n’est pas Game of Thrones. C’est pour comprendre ce qui se passe. Pourquoi est-ce ainsi ? Est-ce que ce qu’on croit être vrai l’est vraiment ?

S’il y a une chose que j’aime, c’est chercher à comprendre et anticiper la fin d’un livre ou d’un film. C’est devenu un jeu pour moi, auquel je suis plutôt bon et qui flatte mon égo. Mais ce que je préfère par-dessus tout, c’est quand justement je suis dans le flou total. Quand l’auteur parvient à construire une histoire qui suit une logique, me donne une nourriture pour faire fonctionner ma matière grise, mais sait me surprendre à chaque chapitre sans jamais valider aucune de mes hypothèses. Et ça, L’Entité en est la parfaite illustration. C’est aussi pour ça que j’aime beaucoup la série Monk. Cette dernière parenthèse mise à part, le livre sait apporter de la respiration à son histoire, avec des temps de pause que l’on vit avec les personnages.

Personnages

Parlons-en des personnages, justement. Je leur fais un reproche : certains ont moins de 20 ans, mais en font souvent plus. En me projetant, j’y vois plus de jeunes adultes que de vieux adolescents. On pourra toutefois mettre ça sur le dos des épreuves de la vie, qui font souvent grandir trop vite. Si ce n’est ce point noir, on rentre tout de suite dans la peau de Stan. On est là, avec lui, et très rapidement je ne voyais plus le texte à l’écran, mais le film de l’histoire qui se déroulait dans ma tête. Et dans le cas présent, les choses sont tellement claire qu’on est totalement porté par l’histoire.

J’ai aussi remarqué que Fred utilise une technique bien particulière pour nous aider à nous immiscer dans les personnages : leurs traits de caractère sont légèrement exacerbés. Ainsi, en grossissant le trait, le lecteur est plus en mesure de capter l’essence du personnage. Du moins le croit-on, car la fin du livre nous réserve une belle surprise concernant un des protagonistes.

Compte tenu du grand nombre de personnages présents dès ce premier ouvrage, l’exercice n’était pas facile. On finit pourtant par faire connaissance avec tout le monde.

Sans que ça concerne la conception des personnages directement, la relation que nouent deux d’entre eux m’a semblé un peu longue à un moment et pas forcément adapté à leur profil. Mais ça reste un point de détail sur l’ensemble du livre.

Un joyeux syncrétisme

Pour les néophytes, un syncrétisme est la synthèse, ou plutôt la fusion de courants de pensées, croyances et doctrines qui sont initialement incompatibles. L’auteur y va franco en réalisant certainement le syncrétisme le plus fou possible, tout en prenant quelques libertés, et certainement en y mettant un peu de sa vision personnelle de la spiritualité. Mais que les septiques se rassurent, on ne retrouve pas ce côté mégalo d’un certain auteur de best-seller français, mondialement connu pour ses ouvrages abordant divers sujets philosophiques et méta-physiques.

Non, là, sans chercher à se prendre pour un dieu, Fred nous livre une histoire, entière, pleine de richesse en terme de références. Je l’ai d’abord pris comme une fiction et c’est ainsi que j’ai pu l’apprécier. En revanche, je crois aussi que la qualité de plume de Fred et la cohérence qu’il apporte à son syncrétisme en font un livre qui n’est pas à mettre entre les mains d’ados plus ou moins fragiles psychologiquement.

Je vous le dis comme je lui ai dit : « Bon, attends-toi aussi à finir à l’index de la plupart des religions. Je sais faire la part des choses, donc j’ai kiffé cette lecture et j’ai hâte de lire la suite, mais je la planquerai de mes gamins avant qu’ils ne soient en âge de ce même discernement ».

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Car ça sera ma conclusion : ce livre envoie du steak de petit chaton par paquet de douze. Le style n’est pas sans rappeler celui de Tolkien quand il n’était pas en pleine décompensation psychotique : on rentre dans un univers à part entière ou tout est possible. Un univers pour lequel on pourrait écrire notre propre histoire venant s’y intégrer. En cela, L’Entité m’a rappelé le Seigneur des Anneaux. S’il y a une chose dont je suis certain, c’est que c’est dans sa propre récurrence que l’auteur nous fait entrer, tant le contenu est riche, foisonnante d’éléments et – bien qu’atypique et totalement folle – criante de réalisme.

L’entité : Nefilims – Croniques Contemporaines – Vol 1, aux édition Faralonn, pour l’acheter, ça se passe par là.

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René DROUIN

Auteur d'anticipation, blogueur et créatif touche-à-tout, catho tradi, entrepreneur, THPI. Chasseur de woke et de droitard formolé à mes heures perdues. Mi-ours, mi-panda et re-mi-ours derrière.

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