La laïcité, un mot dont le monde a oublié le sens

Par , Le 31 juillet 2015 (Temps de lecture estimé : 5 min)

Voici un texte que j’ai écrit à l’époque du débat sur le mariage gay et remis au goût du jour pour le blog. Au cours de ce débat, le terme laïcité est souvent revenu comme contre-argument aux levés de boucliers des communautés religieuses. Et pourtant, c’est totalement hors de propos.

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Reprenons depuis le début… Le terme laïcité vient de l’adjectif laïque, tiré lui-même du mot latin laicus, signifiant commun, du peuple. Le nom commun laïc est utilisé par l’Église catholique pour désigner toute personne qui n’est ni clerc, ni religieux. Ce n’est que très tardivement que l’adjectif laïc prend à tort le sens de non croyant, neutre idéologiquement, par amalgame au mot laïcité. Vous suivez ?

Le concept de laïcité tel que nous le connaissons aujourd’hui trouve ses racines chez les philosophes grecs, romains, les « Lumières » (un jour sans doute vous expliquerai-je pourquoi j’y mets des guillemets), ainsi que chez les pères fondateurs des États-Unis. La laïcité est le fait qu’un État reste impartial vis-à-vis des confessions religieuses. Si le principe de séparation entre l’État et les religions peut trouver des applications différentes d’un pays à l’autre, la laïcité s’oppose à l’existence d’une religion d’État. Noté que je parle bien d’État, et non de pays. Seul l’État est laïque, c’est un non sens de confondre l’État avec le pays et de désigner un pays comme laïc. J’insiste sur le sens des mots pour éviter tout quiproquo.

Le concept moderne de la séparation de l’Église et de l’État est souvent attribué au philosophe anglais John Locke. Ce dernier estime que l’État n’a pas la légitimité pour ce qui relève de la conscience individuelle, que celle-ci ne peut être dirigée par aucun État et doit en être protégée. Du coup, on se rend compte qu’une telle séparation est sans doute plus profitable aux croyants qu’à l’État qui perd alors en influence. Dans le cas contraire, les religieux se retrouveraient assimilés à des fonctionnaires et devraient suivre des directives d’un autre registre.

Sachant cela, on comprend qu’une société fondée sur la laïcité prend en compte la diversité de tous pour unir les êtres, les cultures et assurer leur coexistence. D’après Henri Peña-Ruiz, philosophe français :

« Elle (la laïcité, ndlr) le fait en conjuguant la liberté de conscience, qui permet aux opinions spirituelles de s’affirmer sans s’imposer, l’égalité de droits de tous les hommes sans distinction d’opinion spirituelle, et la définition d’une loi commune à tous visant le seul intérêt général, universellement partageable. »

La définition de la laïcité étant dite, revenons maintenant à notre époque et aux torts qui sont fait à cet idéal de tolérance. Loin de se délester des problèmes d’ordre religieux, il est avant tout question de trouver un moyen afin de vivre ensemble sur des interrogations d’ordre public. Ainsi, alors qu’énormément d’État se disent laïques, nous sommes très loin de l’application de la définition du terme laïcité.

Pour illustrer cette dernière affirmation, voici plusieurs exemples :

  • Le port du voile ne pause aucun problème au précepte de laïcité, si la femme voilée accepte de montrer son visage pour un simple contrôle routier, par exemple, puisque cela relève de l’ordre publique. L’État n’a pas a intervenir sur la liberté d’une femme à porter le voile, et les raisons motivant cette femme sont alors à sa discrétion.
  • Par extension, afficher un symbole religieux de façon ostentatoire, quelque soit la confession religieuse, devrait pouvoir également être possible en toute liberté, tant que ce dernier n’attaque personne directement par sa signification.
  • La laïcité se voulant rassembleuse, les différentes communautés religieuses avaient alors autant de droit que quiconque d’intervenir dans le sujet du mariage gay. Petite parenthèse sur ce point : ce n’est pas le concept d’unir les couples du même sexe qui posait problème à beaucoup de catholiques, mais l’emploi du terme mariage (originellement, le mariage est strictement religieux à l’origine, parler d’union civile pour tous en mairie aurait calmé les esprits) et les problèmes liés à la filiation.
  • Un État n’est pas tenu de diluer les traditions d’un pays, son histoire, sa culture, sous couvert d’un « Terre d’accueil pour tous » en brandissant le mot laïcité sans arrêt. Tenter d’édulcorer le socle culturel d’un pays n’a rien à voir avec la laïcité : c’est purement politique et ça permet surtout d’affaiblir l’influence des communautés religieuses sur l’opinion public. Il suffit de voir les propos tenus par notre cher Pape François, que certains qualifient de révolutionnaires, pour comprendre que nos chefs d’États ne doivent pas être à l’aise avec l’idée que la religion puisse influencer le peuple.
  • Le gouvernement contredit lui-même le concept de laïcité à partir du moment où il subit l’influence directe d’une communauté religieuse au sujet d’affaires d’État.

La laïcité perd tout son sens dès qu’elle n’est plus appliquée objectivement par l’État, et l’emploi du terme à outrance en fait un outil de contrôle pour diriger les masses et stigmatiser des minorités. Contrairement à ce que certains se laissent croire, la laïcité n’a pas pour but d’éradiquer le patrimoine culturel, mais au contraire prendre en compte toutes les cultures qui composent le paysage humain d’une nation. Aussi, est-on aujourd’hui en droit de se poser la question suivante : dans les faits, l’État français est-il laïque ? Personnellement, j’ai mon idée sur la réponse…

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René DROUIN

Auteur d'anticipation, blogueur et créatif touche-à-tout, catho tradi, entrepreneur, THPI. Chasseur de woke et de droitard formolé à mes heures perdues. Mi-ours, mi-panda et re-mi-ours derrière.

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