Non, donner son sang n’est pas un « droit »

Par , Le 5 novembre 2015 (Temps de lecture estimé : 6 min)

C’était le sujet chaud d’hier : l’évolution de la loi concernant le don du sang par les homosexuels. Si ce changement est discutable des deux côtés, la loi telle qu’elle était avant était tout sauf arbitraire.

C’est souvent un sujet de tension pour les personnes dites homosexuelles : la question d’avoir le droit de donner son sang. Il semble que ce sujet soit un vrai problème pour la communauté LGBT et certains de leurs sympathisants. D’autres s’en cognent royalement, et enfin certains sont contres. Je ne vais pas vous mentir, je suis dans cette dernière catégorie. Et le premier qui vient me traiter d’homophobe sans lire le reste de l’article en prend une.

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La réforme de Marisol Touraine

Bref, aujourd’hui notre sinistre ministre de la Santé Marisol Touraine était « fière et heureuse de lever enfin l’exclusion du don du sang des homosexuels ». Mais la condition est la suivante : les homosexuels auront le droit de donner leur sang s’ils sont abstinents durant un an. Alors oui, ça peut paraître pour une vaste blague, aussi inutile qu’hypocrite, j’en conviens. Les conditions d’application de cette réforme sont surtout là pour faire accepter l’idée dans les esprits des personnes dites hétérosexuelles (Et je ne rebondirai pas sur les propos de l’interrogée, qui sont aussi irréalistes qu’irréfléchis.)

Les origines de l’interdiction

L’interdiction du don du sang aux personnes gay avait une bonne raison d’être et n’était pas arbitraire. Apparue en 1983, cette interdiction ne concerne que les hommes. A l’époque, ces derniers étaient considérés comme une catégorie à risque pour de nombreuses maladies sexuellement transmissibles. La médecine ne disposant pas des mêmes capacités à dépister ces maladies, il fallait minimiser les risques au maximum.

Si des tests de dépistage sont pratiqués sur l’ensemble des dons du sang, il existe pourtant un risque. En effet, plusieurs jours après l’infection cette dernière n’est pas détectable. Durant ce lape de temps, la personne infectée peut donc transmettre le virus bien que les tests de dépistages soient négatifs. Certains se souviendront du scandale du sang contaminé dans les années 80-90. Le traumatisme collectif fut grand, et cet événement n’est sans doute pas pour rien dans la durée de cette interdiction. De plus, en France les homosexuels sont trois fois plus exposés que les hétérosexuels au VIH.

En quelques chiffres

Maintenant, on va faire un peu de maths.

  1. En France, aucun recensement de la population homosexuel n’a été effectué. On va donc se baser sur une estimation de l’enquête CSF, 1,1 % des hommes se revendiqueraient homosexuels. On va faire plaisir à ces derniers qui vont chouiner sur le nombre, arrondissons à 2%. Ainsi, vu que nous étions 66,3 millions de Français en 2013 alors il y aurait alors environ 1 326 000 d’hommes homosexuels en France.
  2. En France, il y a à ce jour 1 708 541 donneurs de sang. Si on calcule, ça représente alors 3,3 % de la population Française majeure.
  3. Ainsi, on compterait alors parmi les hommes homosexuels, 43 758 donneurs potentiels. Total duquel nous allons retirer le chiffre bas donné par l’enquête Prevagay : 12 % des homosexuels seraient porteurs du VIH (et je ne parle pas des autres maladies). Alors oui, cette enquête est contestable, mais je me mets à la place des politiques auxquelles LGBT n’est pas foutue de rendre une véritable enquête digne de ce nom et accessible facilement au grand public, concernant sa communauté sur le territoire français. Ce chiffre est donc le seul que j’ai trouvé et sur lequel nous pouvons nous appuyer. Bref, ceci nous laisse alors le nombre de 38 507 donneurs potentiels pouvant donner leur sang.
  4. Je n’ai pas déduit les transsexuels (qui sont sous traitement me semble-t-il, et ne peuvent donc pas donner leur sang), car j’ignore s’ils se considèrent comme homosexuels ou hétérosexuels. Je ne compte pas non plus les nains (qui font moins de 50 kg), les malades et autres spécificités.
  5. Édit du 18/07/2017 : une nouvelle étude menée en France en 2015 a vu ses résultats publiés récemment. Sur 2 600 hommes ayant participé à cette étude et qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes 14,3% étaient séropositifs, rend compte l’équipe de chercheurs de l’Inserm et de l’équipe nationale d’intervention en prévention et santé pour les entreprises (ENIPSE). Soit un homosexuel sur huit. Le chiffre ci-dessous tient compte de cette nouvelle étude.

Nous avons donc 38 507 37500 personnes, dont on sait qu’elles sont une population à risque puisque la présence du VIH augmente chaque année dans la population homosexuelle. Mêmes de nombreux groupes gay de prévention le reconnaissant allègrement : la hausse est de 14 % en 2012, alors que le pourcentage est à la baisse chez le reste de la population. A ce jour, il faut penser à l’EFS, pour qui cette population représente indéniablement un risque, mais aussi et surtout des mesures de précaution supplémentaires à mettre en place et des ressources humaines à affecter. Pour les donneurs, j’en suis justement un, si vous causez un peu avec le personnel quand vous allez donner votre sang, vous savez que l’EFS ne roule pas sur l’or.

Un droit ? Quel droit ?

Enfin, le droit de donner son sang n’existe pas. Ce n’est pas un privilège, mais un geste altruiste. Il ne s’agit pas de dire « regardez, je fais comme tout le monde, la société me considère comme quelqu’un de normal peu importe mon orientation sexuelle » mais « je fais ce geste pour l’autre ». Ce geste est permis ou non, en fonction de différents critères. Le concept de droit est relatif et ne concerne souvent que ceux qui veulent l’obtenir ou le conserver. Il n’est nullement une évidence quand il n’est pas fondamental, encore moins quand il comporte un risque pour autrui. Y voir de la discrimination peut alors être très relatif (pour ne pas parler de manque de recul dans le cas présent). La question n’est alors pas de savoir si cela va causerait un problème, mais quand.

Encore une fois, c’est statistique. Rappelons que parmi les typologies de personnes pour qui il n’est pas possible de donner leur sang, on trouve entre autre ceux ayant des rapports avec plusieurs partenaires qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels (et oui !) ou bien encore ceux qui font moins de 50 kg. Les LGBT ne sont donc pas les seuls concernés par cette interdiction, mais les seuls à en faire tout un plat.

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René DROUIN

Auteur d'anticipation, blogueur et créatif touche-à-tout, catho tradi, entrepreneur, THPI. Chasseur de woke et de droitard formolé à mes heures perdues. Mi-ours, mi-panda et re-mi-ours derrière.

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