D’anticlérical à catholique, partie 1 : au commencement

Par , Le 4 février 2016 (Temps de lecture estimé : 14 min)

Tout est dans le titre. La plupart de mes proches le voient sans trop le comprendre, car je suis passé de l’un à l’autre en peu de temps. Loin de moi l’idée de convertir avec cet article, il s’agit plutôt  d’expliquer ce qui se passe dans la tête de quelqu’un qui fait ce cheminement.

Après avoir erré un certain temps, j’ai fini par comprendre ma nature de chrétien. Ca interroge, ça fait jaser, d’autant plus qu’il y a quelques années je tirai plutôt à boulets rouges sur la religion. Mon meilleur ami, qui disait autrefois que j’étais un chrétien qui s’ignorait, m’a comparé à Paul de Tarse (Saint Paul), persécuteur de chrétiens qui s’est finalement converti. Assumant et vivant pleinement ce nouvel aspect de mon identité, mes échanges sur le sujets ces derniers mois avec des proches ou des non croyants m’a incité à témoigner.

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Voilà quelques temps que j’envisage d’écrire un article sur le sujet. Finalement, ce n’est pas un seul article mais plusieurs. 2, 3, 4, peu importe, ce qui compte c’est d’expliquer les choses et ça serait profondément réducteur de vous sortir un simple billet de 2000 mots. À travers ces articles, je ne veux pas convertir mais expliquer. On reproche souvent aux catholiques de manquer de pédagogie, ou de rester fermés sur eux-mêmes. Une idée reçue, la plupart partageront souvent leur expérience avec une grande joie. Mais alors que se passe-t-il dans la tête de quelqu’un qui s’ouvre à la religion catholique ? Et qui plus est, un anticlérical ? Nom d’un blowjob !

Ce n’est pas évident d’organiser mes idées sur le sujet. Il y a tant à dire ! Au cours de ce premier article, je vais surtout vous parler de mon historique. Après, on verra. En revanche, lecteur, je te propose que nous passions un marché, toi et moi. Peu importe nos divergences d’opinions, restons bienveillants à l’égard l’un de l’autre. Que ce soit dans tes commentaires en ce qui te concerne, que ce soit dans mes articles ou mes réponses à tes commentaires. Le but n’est pas de tomber d’accord, mais de se comprendre.

Au commencement

Au commencement, il y avait une famille. Mes parents, pas croyants pour un sous. J’ignore si quand j’étais enfant ils étaient athées ou agnostiques. Aujourd’hui, agnostiques, sans nul doute. Bien que tous deux issus de familles catholiques, ils ont malheureusement rencontré un profond manque de pédagogie autant que des attitudes tyranniques de la part de personnes se revendiquant croyantes. On a tous nos brebis galeuses. Que ce soit l’Église, l’Éducation nationale ou le club de sport du coin, aucune communauté ne fait exception à la règle. Mais ce genre d’attitudes a fait des dégâts. Bref, toujours est-il que mes parents, en dépit de leur rejet de la religion, ils m’ont baptisé, ainsi que ma sœur puis mon frère. Parce qu’en tant que non-croyants ça ne signifiait pas grand chose pour eux, et ça achetait une certaine tranquillité vis à vis de la famille. Mais ils l’ont fait, et c’est le plus important !

Déjà, j’étais chrétien dès cet instant. Même dans mon rejet intérieur du baptême plus tard. Le baptême n’est pas qu’une inscription sur un registre. Vous brûleriez le registre, je serai toujours baptisé. On pourrait demander à se faire débaptiser, impossible : c’est un acte Divin. C’est l’Esprit Saint, par l’intermédiaire du sacrement du baptême, qui vient sur nous. Et pour celui qui s’en tamponne le coquillard, alors ça devrait lui faire ni chaud ni froid.

Jeunesse se passe

Je grandis, je côtoie des écoles publiques, des écoles privées, au gré des déménagements. Puis un collège public. Qu’il s’agisse de l’école, ou bien de la famille, on m’enseigne la version revue et corrigée de l’Histoire par ses vainqueurs, issue des pseudo-lumières (on pourra y revenir en commentaires). Que ce soit à la maison ou au bahut, la religion est dépeinte comme le summum de l’obscurantisme. Si je n’avais pas une imagination un peu fertile, j’aurai presque juré qu’on souhaitait nous (les élèves) faire imaginer le Saint-Siège comme un lieu de pouvoir, dans lequel on faisait des orgies de petits garçons après s’être enfilé des jarres de vin. Bien heureusement, on est très loin de tout ça. Pour reprendre le terme de la femme d’un diacre de ma paroisse, les établissements publics sont un véritable séminaire laïc. L’école de la République prend un malin plaisir à ne pas remplir sa mission de respect la laïcité d’État. La religion y est clairement descendue à grand coup de raccourcis dignes de ceux d’un frontiste au sujet de l’Islam. Une laïcité à la française, qui veut réécrire l’Histoire et gommer toutes les croyances. Une laïcité plus proche d’une culture de l’athéisme au final. Ca aussi, on y reviendra. On n’est pas pressé après tout, vous aurez bien le temps de lire ces articles quand bon vous semblera.

Le Big Boss laisse des signes

mioursmipanda-signesTout gamin, je reçois un chapelet suite au décès de mon arrière-grand-mère. Plaqué or et perles de bois d’olivier. Ma cousine, elle, reçoit un chapelet en argent et perles de marbre. Aujourd’hui encore, le mien est près de moi, accroché dans mon bureau. J’apprends alors que mon aïeule les a achetés très tôt, en vue d’une communion que je ne pensais jamais réaliser et que ma cousine a faite, elle. Mais ce chapelet, il évoque mon aïeule à ce moment, aussi a-t-il toujours été accroché dans mes chambres, puis mon bureau. Toujours présent, il évoque aujourd’hui un autre sens. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autre : avec le recul, je me rends compte que le Ciel m’a laissé une batterie de signes. Sans impact à l’époque, ils me prennent tout leur sens désormais, me faisant comprendre que malgré moi, Il était là.

Autre exemple, tandis que je devais avoir 11 ou 12 ans, je prends le train et me retrouve assis pour l’heure qui suit à côté d’un homme d’une soixantaine d’années. Il engage la conversation, qui dérive rapidement sur le sujet religieux du fait que je tenais un bouquin de philo entre les mains (à cet âge là, pour moi c’était normal). Et quelle conversation ! Avec beaucoup de bienveillance, celui-ci m’explique les choses et me présente une toute autre version des faits qui m’ont été enseignés. Finalement, je n’ai pas vu l’heure passer.

Avec les années, le sujet me tiraille. Non pas celui des religions, mais l’existence de Dieu, que j’appelais avec pudeur le Créateur ou l’Univers. Très jeune, j’en viens à admettre son existence, car cela me semblait tomber sous le sens et découler d’une certaine logique (on y reviendra). Et lui, de là haut, il continue de me laisser des signes, par dizaines. Signes que je vois, d’autres que je ne vois pas mais que j’ai compris plus récemment. Je reste dans le rejet. Et pourtant malgré ce rejet, le décès de Jean-Paul II m’affecte, sans que je ne sache pourquoi sur le moment.

Le lycée

Au lycée je fais une rencontre importante. Celle du Père Richard. J’étais en seconde générale, les copains m’apprennent que le prêtre du coin paye son café à l’espace pastorale un Vendredi midi sur deux, et qu’en plus il est fun. A l’époque je n’aimais pas le café, mais pourtant le sien était bon. Depuis, je bois toujours du café. Peut-être un peu trop. Toujours est-il que le Père Richard accueille tout le monde, sans jugement, sans chercher à convertir. Il est là et répond à nos inquiétudes et à nos questions, on échange, on rigole (beaucoup même !). Bref, il m’apporte quelque chose que je ne trouvais pas ailleurs. Je ne me sentais pas plus croyant, mais lui a planté quelques graines et j’ai commencé à devenir un peu plus tolérant à l’égard des religieux. Ces graines sont là, en sommeil, mais bien présentes. Pendant les années qui suivent, j’ai peu ou pas de contact avec le Père Richard, alors affecté sur une autre paroisse. Mais ses conseils continuent de résonner dans ma tête. Quand je faisais le con ou que je m’interrogeais, je pouvais presque l’entendre.

Spiritualité maison et anticléricalisme

Vous savez ce qui se passe quand on ne reçoit pas de cadre et qu’on est agnostique ? On fait ses courses à droite à gauche, on prend ce qui nous plaît, on fait sa propre tambouille et finalement on ne se rend pas toujours compte du mélange que ça fait. C’est un peu comme mélanger des produits de ménage en pensant qu’on lavera mieux le sol ainsi et finalement fabriquer un explosif. Non pas que ça m’ait pété à la tronche, mais aujourd’hui je me rends compte que ça aurait pu. Je considère que j’ai été arrogant de croire que je pouvais remettre en question d’un claquement de doigt ce sur quoi des centaines d’hommes et de femmes se sont penchés durant leur vie entière. Chacun verra midi à sa porte.
mioursmipanda-tirer-boulets-rougesMais avant de prendre conscience de ça, la religion je lui ai tirée dessus. Si tu es toi-même contre les religions, dis-toi que toutes les bonnes raisons auxquelles tu penses, elles ont aussi été miennes à une époque. Si tu es croyant (catholique ou non), alors toutes les insanités que tu as pu entendre, je les ai dites. Et je t’en demande pardon.

Dans les articles suivants, j’expliquerai justement comment je suis passé de l’un à l’autre. Car finalement, je connais aujourd’hui très bien les arguments des deux camps. Et vivant les choses avec cohérence, je ne suis pas passé d’anticlérical à catholique sans justement faire preuve de réflexion. Il y aura donc un article dans lequel je ferai un point sur ces contre-arguments, et comment j’en suis venu à penser l’inverse. Et ce n’est pas gratuit,  à chaque argument anticlérical j’ai découvert des contre-arguments au fil des années.

Retrouvailles

De Richard, j’avais des nouvelles par SMS une ou deux fois l’an. Puis il s’avère que mon meilleur ami, chrétien pratiquant rencontré voilà bientôt huit ans dans des circonstances sans rapport ni de contexte ni de lieu avec Richard, connait très bien ce dernier. Le monde est petit hein ! À l’occasion de la participation de cet ami à un stage d’orgue où il encadre des ados, j’en profite pour venir rendre visite à mon vieil ami. Quel bonheur de le retrouver ! Pendant les années qui ont suivi, c’est via Facebook que nous avons continué d’échanger, jusqu’à il y a deux ans, après avoir demandé ma femme en mariage.

En parallèle, le Big Boss continue avec ses signes. Et vient un évènement particulièrement important : l’institution du nouvel Évêque de Rome, le Pape François. Celui-ci montre du cran (son prédécesseur en avait aussi, mais préférait la discrétion), des mots forts, allant droit à l’essentiel et un discours qui colle davantage à la vision que je me faisais de la religion. Un discours qui tranche avec les idées reçues, me réconcilie avec l’Église et je découvre que c’est également le discours de nombreux croyants. Ca commence à faire tilt.

Du bouddhisme au christianisme

Il y a une autre rencontre qui me marque, plus récemment. Bruno est bouddhiste et on fait connaissance en manifestation anti-ACTA, en 2012. Bruno a lui aussi un rôle important et il me fait redescendre d’un cran, tandis que je suis impulsif et que mon ego a une tendance à s’enflammer comme une station essence sous l’effet d’un mégot de clope. Sans jamais avoir été vraiment bouddhiste, les préceptes associés ont guidé quelques temps ma réflexion jusqu’à ce que je finisse par poser un nom sur ce que je suis depuis longtemps… Bordel, je suis chrétien ! L’évolution de mes croyances ne s’est donc pas faite en un jour mais sur des années. C’est prendre conscience de ce que je suis, poser un nom dessus qui a été un déclic. Une fois que j’eus compris ça, j’ai donc choisi de le vivre en cohérence et d’aller au bout des choses.

La préparation de mariage

mioursmipanda-mariageLa fin du début de ma vie. Le commencement du reste. Ca vaut autant pour l’engagement qu’est le mariage que pour mon cheminement spirituel. Quand il a été question de se marier, j’avais alors un souhait pour que ça se passe à l’Église : il fallait que ce soit Richard qui nous célèbre notre union, ce qu’il a accepté. À ce moment, je me savais chrétien, mais j’avais encore du mal à me définir. Catholique ? Protestant ? Aussi avais-je besoin de quelqu’un fidèle à ses convictions, en qui j’avais confiance et qui soit un repère pour moi.

Notre préparation de mariage fut donc animée par pas moins de 10 rendez-vous, de 2 à 3 heures chacun. Au cours de ces rendez-vous tout simplement passionnants, il ne s’agissait pas de parler de la religion de façon pompeuse. Oh que non ! Politique, éthique, histoire, couple, enfants, mariage, science, religion… Tous ces sujets sont intrinsèquement liés et Richard nous donnait alors toutes les clés de réflexion nous permettant d’avancer ensemble, dans notre couple, tout au long de notre vie.

J’ai tellement appris au cours de cette préparation de mariage ! Au-delà de l’aspect religieux, je suis convaincu que bon nombre de couples ne se marieraient jamais, ou ne divorceraient jamais, s’ils bénéficiaient d’un tel accompagnement. Je pense pouvoir le dire en mon nom et en celui de ma femme, ça nous a fait profondément évoluer et ça nous a rendu plus complices et proches que nous l’étions.

Pour par-achever cette préparation de mariage, nous avions une journée à passer au couvent des Petites Sœurs des Pauvres. Au cours de cette journée, échanges avec un couple marié et d’autres couples de futurs mariés, repas convivial, puis en fin de journée, une messe célébrée par Richard. Au début de la journée, j’étais en mode hérisson : d’entrée de jeu, le discours d’un des prêtres venait sur moi comme une douche froide. Puis il y a eu les temps de discussions, riches et captivants ! En fin de journée, nous apprenons que les Petites Sœurs prieront pour nous le jour de nos mariages respectifs. Tandis que ces dernières avaient sans doute des personnes pour qui prier et agir davantage dans le besoin que nous, leur geste nous a profondément touché.

Enfin, vient la messe en fin de journée. Les mariés qui animaient notre groupe tout au long de la journée (Antoine et Anne, si vous me lisez) m’ont touché par leurs mots. Ces gens ont quelque chose de rayonnant qui nous a, à moi et ma femme, tout de suite plu ! Durant la messe, j’ai vu ceux-ci à genoux tandis que nous étions debout et là il s’est passé un truc. La foi, la ferveur dont ils faisaient preuve pouvait presque nous toucher physiquement tellement c’était intense. N’étant pas communié, je me suis présenté la tête baissée et les bras croisés au moment de l’Eucharistie, afin de recevoir la bénédiction du prêtre plutôt que l’Hostie et quelque chose m’a littéralement traversé. Plus tard, en partant, au moment de monter dans la voiture, j’ai regardé ma chère et tendre : « okay, je veux faire ma communion et ma confirmation ».

Voila, le décors est planté. Pour les réflexions plus en détails, la suite aux prochains épisodes. Et n’oubliez jamais : Dieu est humour, voyez l’ornithorynque

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René DROUIN

Auteur d'anticipation, blogueur et créatif touche-à-tout, catho tradi, entrepreneur, THPI. Chasseur de woke et de droitard formolé à mes heures perdues. Mi-ours, mi-panda et re-mi-ours derrière.

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